Le soleil se lève à peine sur la plus belle baie du monde.

L’océan serpente profondément dans les terres, je me rappellerai toute ma vie de ce que j’ai ressenti ; je me suis dit : « ça ressemble donc à ça, le bout du monde. »

Après 24 heures de vol, fatigue et excitation se mélangent.

L’avion se pose, il faut encore passer la douane, je n’ai pas prévu de carte SIM alors mon téléphone ne fonctionne pas. Lorsque je serai sortie de l’aéroport Kingsford-smith, je ne pourrai plus l’utiliser.

Je suis étourdie par l’accent australien ; on n’y est pas habitué avec les films ou les séries trop souvent américains. Je ne comprends absolument rien de ce qu’on me dit et je finis dans un bureau de la douane sans trop savoir pourquoi. Une fois dehors, je trouve un taxi pour m’emmener à l’auberge de jeunesse que j’ai réservée pour une semaine. Après, il faudra tailler la route.

Je n’ai jamais dormi dans une auberge de jeunesse : dortoir collectif, salle de bain et cuisine communes et à la propreté douteuse. Mon anglais est tellement rudimentaire que je ne sais pas dire à la réceptionniste que la carte de la chambre ne fonctionne pas. Alors, j’attends devant la porte jusqu’à ce que quelqu’un entre. Ouais… ça va pas être facile. Je prends une douche, et je n’ai qu’une idée en tête : filer voir l’Opera House.

11 heures de décalage horaire, 24 heures de vol, et une escale en Chine… je suis crevée. Je marche dans Sydney et au détour du Royal Botanic Garden je tombe dessus : l’Opera house, au bord de l’eau. Je trouve ça fou de voir ce monument en vrai, si loin de chez moi. Je m’assois dans l’herbe et savoure ce moment plein de promesses. Je n’ai pas de vol retour ; je vais arpenter la plus grande île du monde sans contrainte, sans limite de temps. La liberté pour moi c’est ça.

Il est difficile de lutter contre la fatigue et d’attendre jusqu’au soir pour me coucher et dormir.  Alors, j’ouvre la carte du pays, j’échafaude des plans, trace des croix sur toutes les merveilles que je veux absolument découvrir. Il va falloir louer un van et obtenir mon permis international demandé depuis la France mais jamais arrivé à temps.

 

Sydney est une ville magnifique, bordée par l’océan Pacifique. J’aime immédiatement cette ambiance chill au cœur même d’une mégalopole dix fois supérieure en superficie à Paris, mais beaucoup moins peuplée.

Ici, on surf le long du Business district, on aime la plage et les sentiers côtiers. Les piscines le long de la côte se remplissent avec les vagues de l’océan ; on vit avec le grand requin blanc.

 

Sydney est bordée par des montagnes densément arborées d’eucalyptus : les Blue Mountains. Avec l’humidité ambiante, il règne comme une brume bleue au-dessus de ces montagnes, où la forêt recouvre des gorges surmontées de cascades. Je trouve ce territoire brut, comme si je le découvrais tel que les premiers colons le voyaient il y a environ 300 ans.

Il est temps de quitter la ville et de remonter la côte par le Nord, première fois pour moi que je prends la route le volant à droite, j’arrive à sortir de la zone urbaine sans dommage, ouf. Il est facile de se laisser surprendre par les distances dans ce pays gigantesque.

Byron bay, là où il est normal de surfer à côté de dauphins qui font des cabrioles. Avec des compagnons de route nous louons des kayaks pour se lancer en mer, ça demande de la force dans les bras de ramer dans l’océan ! Je suis surprise par l’eau qui est chaude, et par des dizaines de dauphins qui font leur apparition. On surfe, on rame, on nage, et les dauphins sont là. Encore une fois, on partage.

Byron bay est une localité un peu hippie cool, on y vit avec les éléments et au rythme du soleil. On ne peut pas stationner et dormir n’importe où en van en Australie, il existe plusieurs « freecamp » qu’il faut dénicher. Attention, ne vous laissez pas avoir par le terme alléchant de « camp » pour beaucoup, gratuits il s’agit juste d’un bout de nature sur lequel il est autorisé de stationner et de dormir. Ne cherchez pas douches et WC, you fool.

J’accélère le temps pour arriver plus au Nord, au point d’embarcation pour trois jours en catamaran dans des îles vierges, environ 10 personnes sont sur le bateau avec le skipper.

Rien n’a été construit sur ces îles préservées, il faut traverser une forêt pour arriver sur la plage humblement prénommée paradis blanc. Vous comprenez vite pourquoi, le sable est si fin qu’il ressemble à de la farine et d’un blanc si immaculé qu’il vous ébloui. L’eau est claire, on n’en distingue pas le début et on se retrouve les pieds dans l’eau sans y prendre gare. Cet archipel, marquant l’entrée de la Grande barrière de corail reste encore maintenant, le plus bel endroit que j’ai vu. Vous êtes seuls, vous pouvez planter votre tente dans le sable et vivre comme un Robinson Crusoé le temps d’arpenter ce groupement d’îles.

Il ne reste plus qu’à aller découvrir une des plus belles merveilles du monde naturel, c’est en prenant de la hauteur que je la rencontre d’abord.

 

Je grimpe dans un coucou volant et on survole la barrière pendant une heure. J’avoue que j’ai eu les larmes aux yeux devant cette beauté, il faut s’imaginer des dessins formés par le corail, dans une eau turquoise, plus grande structure vivante de la planète, accueillant des îles tropicales et des bancs de coraux. On ne saurait se lasser de tant de beauté, alors je réalise mon baptême de plongée dans la barrière, pour tout dire, je ne suis pas une grande fan de plongée mais on ne peut que se laisser entrainer dans ces conditions. Je descends jusqu’à 15 mètres de profondeur, mais en réalité beaucoup de coraux sont morts. C’est un bien triste spectacle que de voir les effets du réchauffement des eaux sur ces organismes vivants qui meurent.

Je prends un bateau à fond plat pour me rendre sur un banc de corail digne d’un récit de Jules Verne. C’est un sanctuaire pour un grand nombre d’oiseaux marins, mais aussi pour les tortues. Les requins récif entourent cet atoll de corail et veillent sur vos déambulations.

Je me sens extrêmement reconnaissante d’avoir pu voir de telles beautés naturelles si brutes, elles nous rappellent la force de la nature, mais également sa fragilité.

 

Et si on continuait vers la plus ancienne forêt tropicale du monde ? Dense, humide, bordant la mer de corail. C’est le seul endroit dans le monde où deux sites classés au patrimoine mondial de l’UNESCO se côtoient : la Grande barrière de corail et la Daintree forest. Quand vous traversez la forêt pour rejoindre la plage, vous vous sentez comme un explorateur qui ne sait pas ce qu’il va découvrir. Les mangroves débouchent sur des plages immaculées, mais restez sur vos gardes des crocodiles marins d’environ 6 mètres peuplent les eaux. Down under, rien est impossible.

 

Mon rêve à moi, se trouve au centre exact de cette île démesurée. Un peu montagne, un peu monolithe, rougeoyant – Uluru. Pour s’y rendre, il va falloir s’armer de patience, 2 500 kilomètres séparent la côte de ce site aborigène. Ici les distances n’ont rien à voir avec celles à l’échelle Européenne. On sait qu’on prévoit un jerricane d’essence pour chaque déplacement en dehors des villes. On peut rouler des heures sans croiser âme qui vive. Ici, il n’y a pas de barrière, pas de péages, pas d’entraves, seul vous et la route. Pour moi, c’est la définition même de la liberté. Alors oui, il fait chaud et les douches ne sont pas quotidiennes, on est souvent fatigués mais tellement nourris par autre chose. Cet « autre chose » qu’on ne comprend et que l’on ne ressent que lorsqu’on n’a pas de limite, pas de barrière, pas de contrainte de temps, pas de point de rendez-vous. De toute façon, personne ne vous attend, vous ne croiserez quasiment personne sur 1 000 kilomètres à la ronde. Les grands espaces, la liberté c’est bien ici, en Australie, qu’on les vit.

 

Quelque chose se dégage de ce lieu, sacré pour les Aborigènes mais bafoué par des touristes le gravissant chaque année. Une escalade qui coûtait la vie à de nombreux visiteurs : il avoisine les 45° en été, et la pente est rude. Heureusement, il est désormais interdit d’y monter, sous peine d’une amende d’environ 7 000 dollars.

Si vous remontez 2 000 kilomètres droit vers le nord, vous rencontrerez Darwin, porte d’accès au parc national du Kakadu.

Le territoire du Nord, c’est des canyons et des falaises à pic, des cascades vertigineuses et le paradis des oiseaux. Vous vous trouvez propulsé à l’ère préhistorique, la nature y semble immobile depuis des milliers d’années. Je marche le long des falaises sous le ciel toujours bleu de cet Etat dans lequel le temps n’a pas de substance. Je croise des peintures rupestres sur la roche : ce sont des kangourous qui ornent ces grottes. Cela m’amuse, car on a tendance à oublier que les premiers habitants de la Terre ne voyaient pas tous la même chose. Je me sens émue d’être spectatrice de ces messages d’un autre temps, laissés par la plus ancienne civilisation sur Terre. J’aimerais que le temps s’arrête sur cette région du monde où l’hiver n’existe pas.

La nature est là, omniprésente et, c’est vrai, parfois austère, mais on vit avec elle et non contre elle. Les requins, les crocodiles et les méduses peuplent de nombreuses plages sublimes, mais personne ne s’y baigne. On contemple seulement, on partage.

Dès l’Antiquité, on a suggéré qu’il existait une terre des antipodes, une terre bordée par deux océans. Cette terre existait bel et bien : c’était l’Australie. Moi aussi, je rêvais d’elle comme une terre lointaine, sachant qu’elle existait mais sans pouvoir en dessiner les reliefs.

Elle était ma terre promise, ma liberté.

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